« Si les tarifs continuent de ne pas couvrir les besoins réels des hôpitaux publics : nous irons vers une accumulation de déficits et une bombe à retardement de santé publique »
Les pouvoirs publics rendront prochainement leurs arbitrages à propos de la campagne tarifaire 2024, qui détermine l’évolution des tarifs d’hospitalisation versés aux hôpitaux par l’Assurance maladie. Cette campagne budgétaire intervient à un moment décisif et inédit.
D’un côté, la situation financière des hôpitaux publics n’a jamais été aussi dégradée. Ces derniers mois, la hausse des dépenses des hôpitaux publics a été particulièrement forte, en raison du contexte d’inflation et des utiles mesures de revalorisation salariale, qui n’ont fait l’objet que de compensation très partielles par les pouvoirs publics. Dans ce contexte, le déficit des établissements publics a doublé entre 2019 et 2022. Il devrait atteindre plus de 1,7 milliards d’euros en 2023, soit une hausse de 50% en un an.
De l’autre côté, si l’activité des établissements de santé a progressé significativement en 2023 par rapport à 2022, plusieurs activités et prises en charge essentielles pour la population demeurent insuffisamment dynamiques au regard des besoins. C’est particulièrement le cas pour les hospitalisations les plus lourdes et complexes avec nuitées, notamment dans les activités de médecine. Il y a donc un enjeu de santé publique majeur à soutenir ces activités.
I – Les tarifs hospitaliers ne permettent plus de financer l’activité réelle des hôpitaux publics.
Dans ce contexte, les tarifs d’hospitalisation actuels sont obsolètes et ne correspondent plus à la réalité des coûts des prises en charge. En effet, depuis 2020, l’évolution des tarifs n’a pas permis de couvrir la hausse des coûts réels des établissements, qui s’explique par l’évolution de la typologie des patients pris en charge et de la dynamique des coûts salariaux. La FHF estime que le désajustement tarifaire est de 9 à 10 % depuis 2020. Très concrètement, cela signifie que même les établissements disposant d’une activité dynamique connaissent une dégradation de leur situation financière.
Il y a donc urgence à remettre à plat le niveau de financement des établissements. Faute de quoi la situation paradoxale connue en 2023 – une hausse de l’activité en même temps qu’une sous-exécution des enveloppes – risque de se reproduire d’années en années en creusant les déficits. Alors que les Français ne cessent de dire que la santé doit être une priorité et que les pouvoirs publics ont affirmé leur volonté de réarmer le service public, le décalage entre les ambitions et les réalités ne pourrait qu’attiser le découragement collectif à l’hôpital public.
II – L’urgence n’est pas seulement budgétaire : la dette de santé publique accumulée depuis 2020 pourrait bien devenir une bombe à retardement de santé publique
De mars 2020 à fin 2023, en référence à l’année 2019, l’équivalent de 3,5 millions de séjours hospitaliers en médecine et en chirurgie n’ont pas été réalisés. Malgré la reprise de l’activité en 2023, plusieurs prises en charges demeurent insuffisantes. Cela concerne en particulier les hospitalisations complètes en médecine.
La FHF aura l’occasion de présenter dans les prochaines semaines des données is- sues de remontées de terrain mettant en évidence cette « dette de santé publique » qui persiste. La priorité absolue doit être de mettre à niveau le financement de ces prises en charge prioritaires, afin d’éviter une bombe à retardement de santé publique.
Il est temps pour les pouvoirs publics de prendre les décisions qui s’imposent. Les hôpitaux publics ont besoin d’un soutien tarifaire significatif pour afficher clairement la priorité accordée à la santé publique. La FHF demande donc que les hausses tarifaires soient concentrées sur les spécialités où se manifeste cette dette de santé publique : médecine en hospitalisation complète, chirurgie lourde, soins critiques et notamment réanimation.
Pour résorber notre dette de santé publique, répondre au défi du vieillissement de la population, et enrayer la paupérisation du service public, il est impératif de garantir un financement adéquat des activités réelles de l’hôpital.
La situation financière de l’hôpital public n’a jamais été aussi dégradée. Les choix qui seront fait pour cette campagne budgétaire sont donc absolument décisifs pour son avenir. Cette campagne budgétaire doit aussi traduire une réponse claire aux urgences de santé publique, alors que persiste une forme de « dette de santé publique », notamment dans les activités de médecine.
C’est pourquoi la FHF demande que cette campagne tarifaire mette l’accent sur des priorités claires : les hospitalisations lourdes, notamment en médecine et soins critiques, doivent être en tête des priorités.
Arnaud Robinet, Président de la FHF nationale